Sauvons la restauration française !

Aux fans de Gottlieb, cette formule rappellera le « sauvons la nouille française ! » de Super Dupont qui, après avoir mené son enquête, conclut : « nouille française rien que du bon 98 %, sel 2% » alors que les diverses nouilles étrangères recélaient des détritus, du goudron, bref rien que du mauvais.

Sans avoir l’idée de faire l’inspecteur, fût-il d’un guide, quelques petits séjours en dehors de l’hexagone m’ont inspiré les réflexions que je vais vous faire partager. En effet, comme disait le célèbre psychanalyste Lacan qui – pour paraphraser Pierre Desproges – « n’a pas dit que des conneries » : il y a toujours un bénéfice à s’apercevoir qu’il n’y a pas que sa petite façon à soi de tourner la salade.

Premier exemple, l’Espagne, grand pays européen, en plein développement, ne semble pas souffrir des contraintes de Bruxelles en matière de TVA dans la restauration, puisque ladite taxe n’est que de 7 % sur le prix des repas comme sur celui de toutes les bouteilles, grandes et petites (en prix) de la carte des vins.

Imaginez un peu pour un amateur de vins, l’effet que cela pourrait produire sur sa consommation de belles bouteilles à table ! En France, on nous promet une future TVA à 5,5 % dans la restauration, un jour, si tous les pays de l’union européenne sont d’accord, si, si, si …et on ne nous a rien promis pour les vins !

Deuxième exemple : l’Autriche où j’ai eu l’occasion de faire un repas de très bonne qualité dans un restaurant qui m’a impressionné dans sa manière de présenter les vins. Pour chacun des cinq plats présentés, on vous propose le choix entre 2 verres dont le prix se situe entre 3,50 € et 9,00 €. En soit l’offre est déjà intéressante mais il ne s’agit pas de vins standards produits en grandes quantités par de grandes maison de négoce ou des caves coopératives, mais de bouteilles dont certaines sont très rares et très contingentées chez le vigneron. Mais l’exploit ne s’arrête pas là ; on pousse la pédagogie et le plaisir jusqu’à vous les faire goûter avant de faire votre choix.

Troisième exemple franco-français où la plainte est parfois « discipline olympique ». Il est fréquent d’entendre les restaurateurs se plaindre du prix des vins et de certains vignerons qui ne cessent de les augmenter. Si mes oreilles traînent à l’occasion de ce genre de conversation (plutôt de bistrot), je réponds sans rire que c’est une grande chance pour eux, parce que plus le vin est cher, plus ils gagnent de l’argent avec un coefficient moyen de 3,5 !

Dernier exemple multiculturel : à l’occasion du congrès dijonnais « le mangeur du 21ème siècle », j’ai eu l’occasion d’entendre Fatéma Hal parler des voyages et de ce que l’on rapporte dans ses valises, facteurs d’évolution et de paix. Je m’étais dit qu’un jour j’irais dîner chez elle dans son restaurant Mansouria à Paris et que je lui apporterais l’un de mes vins favoris pour accompagner les tajines sucrés-salés, à savoir un vin rouge autrichien du domaine Feiler-Artinger. Ce fut pour moi un bel exemple d’échanges, et de plaisir partagé l’autre jour, dans cette rencontre avec Fatéma Hal qui malgré sa notoriété a su rester simple sans rien perdre de curiosité et d’émotion. Cela m’a réconcilié avec l’idée d’apporter une bouteille quand je vais pour la première fois dans un restaurant. En effet, je m’apprêtais à abandonner cette habitude depuis qu’un jeune chef, à peine installé, m’a dit un jour « vous savez, j’en ai tellement ! »

La conclusion de tout cela est à mon avis très simple. Si l’on veut garder notre patrimoine et notre passion du vin et de la gastronomie, il faut en avoir un tout petit peu la volonté, et rester gourmand et curieux, réfléchir à ce que chacun peut faire à son niveau et, de temps en temps, être un petit peu aidé…pas uniquement par la nature !


Martial Jacquey – Passionné de vin
Le 18 septembre 2005