Le vin est-il réel ?

illustration de Christine Pariente-Valette, Château Troplong-Mondot

"Magie du vin... de la bouteille et du verre"

La dernière fois, je vous avais fait partager mon sentiment par rapport aux illusions et désillusions dans le domaine du vin et, une fois n’est pas coutume, je ne sais pas si vous avez remarqué, je vous avais proposé l’au-delà…Vous vous rappelez Pierre DAC, il préférait le vin d’ici…

Me voilà aujourd’hui traversé par des questions sur ce que j’appellerai le rapport au réel dans vin. Ne vous affolez pas, je ne vais pas me lancer dans un grand discours intellectuel, je n’en serais d’ailleurs pas capable, mais je vais donner quelques exemples de questions concrètes.

Je me souviens d’une discussion avec quelqu’un qui a le privilège de distribuer un certain nombre de grandes étiquettes et qui me disait qu’à son avis, il était absurde d’organiser des dégustations à l’aveugle car on privait le dégustateur de l’imaginaire de l’étiquette. Il est vrai que face à ce point de vue, je fais figure d’intégriste du « goût » pur en imaginant que l’on puisse goûter le vin pour la réalité de ce qu’il y a dans le verre. Tout en pesant mes mots, je mesure bien la part d’illusion que peut contenir un tel propos mais cependant je continue à y croire.

Je revisionnais dernièrement Mondovino, le film de Jonathan NOSSITER, et j’écoutais les propos un peu directs de Robert PARKER qui exprimaient qu’il se fichait complètement de savoir s’il y avait des siècles d’histoire ou un terroir particulièrement défini dans le verre qu’il dégustait. Seuls comptent pour lui le goût et la qualité, le sien (de goût). Dans le fond, et avec quelques nuances, il est difficile de lui donner tort. C’est bien là le point faible des vins de terroirs ; il ne peuvent pas se contenter de revendiquer leurs origines, il est aussi légitime d’attendre d’eux qu’ils soient bons !
Il en est de même pour les vieux millésimes, voire les très vieux. Ils sont censés développer toute la complexité, toute la richesse, toute la profondeur de leurs nobles origines. Je n’en rencontre que fort rarement, mais un ami qui a plus de chance que moi m’avouait qu’il préférait les vins jeunes…peut-être pour me consoler…

Je lisais dernièrement dans une revue spécialisée un article sur le prix réel de certaines bouteilles prestigieuses. L’article présentait assez crûment les coûts de production, les frais réels liés à la commercialisation desdites bouteilles. L’idée était peut-être de remettre les pendules à l’heure et, en même temps, cela enlève une bonne partie du rêve. Je pense que ce genre d’article ne doit pas être très vendeur et je m’imaginais une revue d’art qui fasse le coût d’un tableau de Van Gogh par exemple, le prix de la peinture, de la toile, l’usure des pinceaux, le temps passé à tel taux horaire etc…

Je discutais dernièrement avec un journaliste du monde du vin, de la qualité comparée de deux millésimes en Bourgogne et nous avions des avis divergents. Lui partait du principe que les raisins n’avaient pas atteint le bon niveau de maturité telle année et que, par contre, l’année suivante, l’état sanitaire des raisins était parfait. Certes, on n’a jamais fait de l’excellent vin avec de mauvais raisins mais si vous goûtez les raisins au moment des vendanges, même parfaitement mûrs, je ne suis pas convaincu que vous puissiez discourir longtemps sur les vertus comparées de tel clos avec tel autre. La magie du vin c’est aussi la vinification et c’est elle qui révèle les terroirs. Et toutefois, on raconte que les moines, à l’origine de nos grands terroirs bourguignons, goûtaient la terre. C’est peut-être ça le réel du vin…mais j’ai quelque peine à y croire.

Pas plus tard qu’hier, un grand monsieur du vin me confiait que sa vendange 2008 était absolument parfaite, de beaux raisins récoltés tardivement avec une maturité idéale et une belle partie de raisins millerandés (petites grumes dues à une fécondation partielle au moment de la fleur). Bref toutes les conditions étaient réunies pour faire un très grand vin mais notre homme concluait que l’avenir nous le dirait car le vin a aussi ses mystères…


Martial Jacquey – Passionné de vins
Le 10 février 2009

Illustration Christine Valette, Château Troplong-Mondot
« Magie du vin…, de la bouteille et du verre »