Eloge de l’équilibre… Le vin c’est la vie

collage de Christine Pariente-Valette du Château Troplong-Mondot

le trapèze et sa trapéziste : l'équilibre collage de Christine Pariente-Valette du Château Troplong-Mondot

Reprenons le fil de notre histoire. J’imagine volontiers que sur notre conseil vous avez fait l’achat de Bourgognes 2002 en primeur ou, si ce n’est pas le cas, vous êtes sur le point de le faire. De même, vous n’avez pas laissé passer l’été sans vous offrir une bonne bouteille dans l’une des meilleures tables. Bref, vous avez fait votre la conclusion de ma dernière lettre : une personnalité équilibrée sera tout autant fourmi que cigale !

Vous êtes donc sur la voie de la sagesse qui, avec le vin et sa place dans l’histoire de l’humanité, réconcilie la nature et la culture.

En effet, on peut légitimement penser que le vin et sa place dans la société sont un témoin de l’évolution de la civilisation.

Après avoir vécu de cueillette, de chasse et de pêche, après avoir traversé le désert et le déluge, l’homme quitte sa vie de nomade, travaille la terre, construit la cité et plante la vigne. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, travailler la terre n’a rien en soi de naturel, et la culture de la vigne l’est encore moins si l’on imagine le premier acte « culturel » qu’est la taille.

Contrairement aussi à ce que dit un vigneron célèbre pour ne pas dire mythique, il ne s’agit pas de « laisser faire la nature » pour faire du vin et à fortiori du bon vin !

Nous avons déjà là, vous l’aurez compris, notre premier éloge de l’équilibre : en quoi la culture nous permet-elle de comprendre la nature, de la respecter sans pour autant s’y soumettre ? C’est ainsi que, pour faire un vin de qualité, on peut préférer une taille courte de la vigne à  celle qui se rapproche de la liane. De même, et c’est un fait relativement récent, le tri de la vendange n’est pas un phénomène naturel. Il a fallu observer et  comprendre qu’avant la mise en cuve, l’acte d’enlever les raisins pourris ou verts, permettait d’obtenir un meilleur jus.

A l’opposé, si l’on pousse à l’extrême les effets de la civilisation de telle façon qu’ils n’ont plus de référence à la nature, nous nous satisferons de boissons manufacturées pas forcément très naturelles…

Notre deuxième éloge de l’équilibre fera référence  à la place du vin dans la société. Depuis Dionysos, qui risqua de menacer la cité par sa force et sa vitalité, mais qui apporta le dynamisme et l’enthousiasme contre la sclérose et l’ennui, le vin apparaît comme un remède pour le corps et l’esprit si « il est consommé avec modération ». Le vin est élevé aujourd’hui au rang de la culture et, si sa consommation diminue, on en parle de plus en plus. Le consommateur est devenu un dégustateur, un connaisseur, mieux encore, un amateur…pendant que le vigneron est devenu un orfèvre, un artiste…

Dans un monde où tout va très vite, où les cadres supérieurs sont devenus les nouveaux nomades, le vin nous relie à la sagesse de la terre et à la douceur du temps qui passe. Nous dégustons des millésimes qui subliment notre histoire à des moments qui font date. Dans son ouvrage « l’Homnivore », le sociologue Claude Fischler avance que « nous sommes ce que nous mangeons », c’est à la fois réel, imaginaire et symbolique. Nous sommes aussi ce que nous buvons et ce n’est pas qu’une question de moyens. Pour celui qui n’a jamais bu une grande bouteille, une fois par an est déjà un progrès !

Pour conclure, je vous propose un nouvel adage : « être contre tous les excès, y compris ceux de sobriété ».


Martial Jacquey
Passionné de vin et oenophile conseil pour Terroirs Bourguignons