Domaine Jean Thévenet

De la liqueur dans le Mâcon !

Les Cuvées botrytis de Jean Thévenet

C’est à Etienne Hugel que je dois la découverte de Jean Thévenet et de ses cuvées botrytis élaborées à Clessé au lieu dit Quintaine, au nord de Mâcon. Je me souviendrai toujours de cette dégustation de grands vins liquoreux du 29 juin 1988 chez Marc Meneau qui a changé ma vie pour plusieurs raisons. J’ai découvert, ce jour là, cette fameuse cuvée dans le millésime 1983 qui tenait admirablement sa place aux côtés des sélections de grains nobles, Château Climens, château d’Yquem et quelques autres merveilles à la liqueur suave. Lors du repas qui suivit cette dégustation, Marc Meneau nous fit vivre l’un des meilleurs moments du club « harmonie des vins et des mets » avec un bar au beurre de sardine et à la crème de caviar pour accompagner une cuvée levroutée 1983 du même Jean Thévenet.
Faire des grands vins de terroirs qui se gardent à Mâcon n’est pas une chose facile mais pas forcément pour les raisons auxquelles on peut penser quand on est amateur de vin. En effet, il ne s’agit ici ni de terroirs difficiles ni d’une nature hostile. A mon sens, il s’agit d’un autre ordre. Ce n’est pas par hasard si j’ai tout de suite pensé à Jean Thévenet à l’origine du projet de ce livre car il incarne ce phénomène profondément humain de l’étrangeté de l’autre et de la vérité qui inviterait parfois à un meilleur confort en se taisant. L’idée de notre homme, qui a la modestie de dire qu’il n’en est pas l’inventeur en sortant volontiers articles et conférences, l’idée, c’est que la première chose pour faire un grand vin est d’avoir des raisins mûrs ! Je pense que nous vivons une époque formidable car, à mon avis, au Moyen Âge… Mais tout de même, mûrs, c’est déjà excessif (et cela enlève sans doute la complexité apportée par les arômes de betteraves dont sont nourris les vins chaptalisés) mais levroutés, c’est-à-dire des raisins qui aient la couleur du levreau, c’est obscène (en dehors du champ) et alors, botrytisés, atteints de pourriture, c’est de la folie pure ! On remarquera avec amusement que l’on retrouve le mot « folie » dans le nom de certaines cuvées de vins liquoreux comme « folie pure » de Patrice Lescaret à Gaillac ou « folie de janvier » d’Henri Ramonteu à Jurançon.

Jean Thévenet fait des grands vins tous les ans et sa cuvée tradition (juste avec des raisins mûrs) mérite d’être citée parmi les plus grands vins de Bourgogne, son vieillissement lui apporte une complexité extraordinaire. J’ai le souvenir d’un 1978, dégusté en 2004 qui m’a rappelé les plus grands Chevalier Montrachet que j’ai eus l’occasion de goûter. Les millésimes 1989, 1996 et 2000 sont de pures merveilles. En général cette cuvée est celle d’un vin sec, c’est-à-dire sans sucres résiduels. La cuvée levroutée n’est élaborée que dans les années exceptionnelles, les raisins sont tellement murs que la fermentation alcoolique ne peut transformer tous les sucres en alcool et il peut rester entre 10 et 50 grammes de sucres par litre. Ce vin peut se montrer parfait lors d’un repas avec des plats puissants et atypiques comme nous l’avons vécu chez Marc Meneau. La cuvée Botrytis est un vrai vin liquoreux, réservé aux amateurs du genre. Cette cuvée n’a été élaborée que dans les millésimes 1983, 1989, 1994, 1995, 2000 et 2001. En 1994, elle contenait jusqu’à 250 grammes de sucres résiduels. Il faut 17 grammes de sucres pour obtenir un degré d’alcool et, à titre de comparaison notre référence nationale, le Château d’Yquem, ne dépasse guère les 110 grammes de sucres résiduels par litre. Pour moi, avec les Ruster Ausbruch Essenz du domaine Feiler Artinger en Autriche, les grands Riesling d’Egon Müller, le Vouvray Goutte d’Or de Philippe Foreau, les grandes sélections de grains nobles d’Alsace et la Petite Arvine grains nobles de Marie Thérèse Chappaz dans le Valais en Suisse, ce Mâcon botrytis de Jean Thévenet est l’un des meilleurs vins liquoreux du monde !

Notre dégustation :

Nous avons le souvenir ému de cette bouteille qui clôturait une dégustation à l’aveugle des meilleurs liquoreux d’un peu partout. C’était l’une des premières bouteilles qui quittait la cave de Quintaine ; Jean avait l’idée de les garder pour sa retraite…

Que de merveilles offertes à nos papilles ce jour là : du sublime muscat passito de Pantelleria à la Folie Pure de Patrice Lescaret, d’une densité impressionnante, en passant par l’Après Minuit de Patrick Baudoin, le Ruster Ausbruch Essenz de Feiler Artinger, la Folie de Janvier d’Henri Ramonteu…

Avec ce Mâcon Cuvée Botrytis, vendangé le 10 octobre 1994, notre émerveillement est total. Il contenait tout ce que nous avons dégusté précédemment. Le vin coule comme une huile précieuse ; la robe est éclatante avec un aspect d’or orangé d’une grande brillance.

Le nez est intense, profond ; on a rarement senti une telle complexité, des fleurs aux fruits secs en passant par les agrumes, des notes d’amandes, d’oranges confites, de pâtisserie…

C’est suave à merveille… sublimissime !

Jean Thevenet
Mâcon Cléssé Tradition 2000 Nous consulter
Château de Besseuil 1989 Nous consulter
Mâcon cuvée Botrytis vendange du 10 octobre 1994 Nous consulter