En marge des grands !
le Chablis Vieilles Vignes du domaine Gilbert Picq à Chichée
Le plaisir du partage, dans toute la mesure du possible, doit être équilibré. Les premières dégustations que j’ai organisées avaient pour thème les vins de Bourgogne. La toute première d’entre elles fut consacrée aux Chablis et Vincent Dauvissat, qui a été l’un des premiers fidèles, était bien sûr présent.
J’ai eu aussi le grand privilège, lors de cette séance inaugurale, d’avoir avec moi Jean-Pierre Renard qui était mon premier maître et mon modèle. C’est aussi grâce à Vincent Dauvissat que j’ai rencontré Olivier Bernard du domaine de Chevalier à Léognan qui m’a aidé à organiser mes premières dégustations de Bordeaux.
Dernièrement, lors d’une visite à ami Philippe Foreau, excellent viticulteur de Vouvray et grand amateur de vins de Bourgogne, je fus le témoin d’un échange sur les qualités comparées des Chablis de Vincent Dauvissat et de Jean-Marie Raveneau : « Celui-ci est plus minéral, celui là est pur comme de l’eau de roche mais l’autre est plus long en bouche, etc. » Un vrai débat de passionnés comme on les aime quand on est passionné et qui s’est conclu par l’idée qu’il fallait en organiser une dégustation comparative ! Bien sûr, j’ai apporté mon grain de sel à la discussion. J’ai le privilège de connaître Vincent Dauvissat depuis une époque où je ne savais pas situer Chablis sur une carte. De mes amis vignerons, Vincent est d’ailleurs le seul avec lequel l’origine du lien date d’avant mon intérêt pour le vin. C’est dire combien il a contribué à me faire découvrir une partie des mystères de cette nature. Je me souviendrai toujours de cette soirée qu’il avait organisée pour notre petit groupe. Il nous avait demandé de fermer les yeux pour sentir le premier verre dans lequel il avait placé quelques fleurs de vigne !
Nous cherchions tous un millésime jeune mais aucun d’entre nous n’avait deviné qu’il était antérieur à la récolte ! Cette soirée s’était terminée avec le millésime 1931 qui avait été peu encouragé par les critiques de l’époque et qui nous servait de preuve des grandes qualités de garde des Chablis, même dans les petites années. C’était aussi l’année de naissance de mes parents !
J’ai aussi la chance d’avoir, depuis peu, une petite allocation des Chablis de Jean-Marie Raveneau. Leurs vins sont traqués par les amateurs du monde entier mais ne représentent qu’une infime partie des quelques 4000 hectares que compte l’appellation de Bourgogne la plus connue dans le monde.
Il faut dire que le mot sonne bien et que le terroir a beaucoup progressé ces trente dernières années en qualité sans doute mais en superficie assurément. L’exemple est peut-être même unique et Chablis occupe certainement une place un peu à part en Bourgogne.
Ma rencontre avec Didier Picq est beaucoup plus récente, elle s’est faite dans le cadre des dégustations de la revue Bourgogne Aujourd’hui où Didier se plaît à découvrir d’autres crus que ceux de son terroir de Chablis. Mais la révélation de ses vins s’est faite avec le millésime 1993 lors de la dégustation que la revue a organisée de ce millésime en 2003. Ce « simple » Chablis était l’une des plus belles bouteilles de la petite centaine de vins que nous avons dégustés à cette occasion, et il y avait pourtant nombre de grands crus et de premiers crus réputés. Comme il m’arrive de temps en temps de vouloir vérifier des expériences tout en tentant de simplifier les avatars de mes pulsions, j’ai obtenu de Didier la faveur d’une bouteille de 1992 que j’ai glissée dans l’une de mes dégustations aveugles… La répétition, ça a parfois du bon ! Dernièrement lors d’une dégustation du millésime 2007, j’aurais volontiers pris ce vin pour un grand cru.
Voilà qui me permet une conclusion très simple : les grands terroirs sont connus depuis longtemps mais pas tous… On peut parcourir le monde à la recherche de vins insolites, on peut aussi les découvrir à notre porte. Les deux ne sont pas incompatibles. Unheimlich ?
Notre dégustation :
Il y a des vins comme ça qui posent le décor. Celui-ci nous évoque quelques gouttes d’une pluie chaude et fine, une brise légère sous les acacias, un voile aérien, une fin de printemps qui s’étire comme un long travelling à la Angelopoulos.
Tout est calme, on est bien…
G. Picq | ||
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