Au vin Henri !

Dans mon précédent billet, je faisais le lien entre le bon roi Henri et la nécessité de connaître les goûts et habitudes de nos futurs candidats avant de poser notre prochain acte démocratique.

Aujourd’hui, c’est à un autre Henri, tout aussi bon et tout aussi roi, que je vais rendre hommage.

Je suis encore passé devant sa modeste maison de Vosne-Romanée vendredi dernier avec la pensée de lui rendre visite comme je l’ai souvent eue en tête. J’ai appris, quelques minutes plus tard, qu’il était parti faire les vendanges dans un autre paradis depuis le 20 septembre. J’ai bien sûr reçu un choc marqué de regrets comme on le dit sur les couronnes et, au moment d’écrire ces lignes, je vois bien son clin d’œil malicieux dans l’idée d’un autre rendez-vous au 20 !

Henri Jayer était aussi un pape et, à cette époque de l’année, bon nombre de vignerons, plus ou moins jeunes, venaient lui demander sa bénédiction et quelques conseils.

Je dois bien avouer que je n’ai pas eu souvent l’occasion de déguster les vins d’Henri Jayer mais j’ai encore en mémoire un Richebourg 1980 et un Vosne Romanée 1er Cru Cros Parentoux 2000 qui étaient la quintessence de l’âme bourguignonne dans son élégance, sa texture soyeuse et sa présence.

Je comprends que beaucoup de vignerons se disent de son école et, moi-même, dans mes fantasmes les plus fous, j’ai rêvé de créer un label « Henri Jayer » pour les meilleurs bourgognes et d’assurer la distribution des dits vins « jayerisés » ! Mais adieu veau, vache, …je n’ai pas eu le temps de mettre mon concept révolutionnaire au point et je suis trop souvent passé devant la maison d’Henri Jayer sans m’arrêter, le croyant éternel et remettant à plus tard notre prochaine rencontre, comme souvent fait le procrastinateur que je suis. Cette idée m’était venue à partir de la question « qu’est-ce-qu’un grand bourgogne rouge à votre avis ? » qui était l’objet d’une petite étude à laquelle Henri Jayer avait bien voulu m’apporter son concours. En fait, j’étais parti dans une sorte de quête du Graal en me méfiant un peu de la filiation revendiquée. Nous en avions parlé le 05 mars 2004 et je m’amuse encore de sa sage analyse comme je m’amuserai toujours de ses commentaires sur les vins que, ce jour là, j’avais soumis à son jugement.

C’est une autre fable qui n’est pas de la Fontaine, ni du pot au lait, ni du cerf se mirant dans l’eau mais d’Henri Jayer et du vin.

Henri Jayer a porté la Bourgogne au plus haut niveau et il a su faire reconnaître la qualité exceptionnelle de ses vins tout en restant lui-même avec son franc-parler et ses « r » bien roulés.

Il n’a jamais fait de cuvée spéciale pour tel gourou ou tel journaliste et ses vins resteront mythiques.

Il nous laisse méditer sur la question de la transmission et sur l’héritage de sa pensée que Jacky Rigaux a si bien mis en mots. Quant à l’héritage de la qualité de nos grands Bourgognes, il ne faut pas être dupe : les bénédictions ne suffisent pas et, pour ma part, en référence à un psychanalyste qu’il me plaît de citer d’une façon décalée, je continue à errer… le verre à la main.

Avant d’apprendre ce qui est une triste nouvelle, je pensais vous parler du millésime 2001 en Bourgogne, millésime que j’ai beaucoup dégusté ces derniers mois, et l’année n’est pas finie !

2001, c’est aussi le premier millésime qu’Henri Jayer n’a pas vinifié.

Adieu Henri, au vin Henri !

Avec mes regrets de ne pas m’être arrêté devant la petite maison de Vosne-Romanée.
La morale de cette histoire est de ne pas remettre à demain la visite que vous pouvez faire aujourd’hui. Ne remettez-pas non plus à demain la bouteille que vous pouvez ouvrir aujourd’hui !

Martial Jacquey
Passionné de vin
Le 25 septembre 2006