Lors de mon dernier billet, je vous invitais à aller voir ailleurs…
Je me rends compte maintenant que c’était bien un propos de vacances. En général, c’est ce que l’on fait pendant les vacances, on va voir ailleurs…en espérant y être aussi bien que chez soi ou du moins pas plus mal. Sans forcément aller à l’étranger, la découverte de l’inconnu peut tout aussi bien nous émerveiller que nous inquiéter. C’est un peu le thème du livre à paraître dont je vous entretenais. Je vais vous livrer cette fois les deux dernières lignes du dernier texte du livre : « Voilà qui me permet une conclusion très simple : les grands terroirs sont connus depuis longtemps mais pas tous… On peut parcourir le monde à la recherche de vins insolites, on peut aussi les découvrir à notre porte. Les deux ne sont pas incompatibles. Unheimlich ? »
Le thème freudien de l’ Unheimlich que j’évoquais est aussi celui du jeu entre ce qui nous est familier et ce qui nous est étranger, ce qui nous rassure et ce qui nous fait peur, ce qui est de chez nous et ce qui vient d’ailleurs.
Simplement, le génie de la découverte de l’inconscient, selon Freud, c’est que ce qui nous semble parfois venir d’ailleurs… est bien ancré au fond de nous-même !
Vous l’avez compris, ces sujets me turlupinent depuis un petit bout de temps et il me plait de les sublimer avec le vin et ce qui peut l’accompagner ; je n’ose pas écrire «ce qui peut-éventuellement-l’accompagner» mais ceux qui me connaissent savent que je suis plus souvent à la cave qu’à la cuisine… Il y a une logique à tout car dans le livre dont il est question, le cuisinier, c’est Hubert Anceau.
D’ailleurs, si je puis dire, les vacances, ça peut aussi servir à retrouver des lieux que l’on a connus dans une vie antérieure. Retrouver des images, des parfums, des émotions, des souvenirs, des gens aussi… Bref, des êtres et des choses que l’on avait oubliés, perdus de vue, mais qui font bien partie de nous et dont le retour est parfois décevant comme il peut se révéler être un parfait enchantement.
C’est ce qu’il m’est arrivé sur la fin de mes vacances avec quelques jours qui n’étaient pas organisés d’avance et qui, un peu par hasard aussi, m’ont permis de me retrouver à Villers le lac et dans les environs. Il m’est revenu que j’avais autrefois rêvé de faire un repas au France et que je n’en avais jamais eu l’occasion. Avec le souvenir de mes premières morilles (mon champignon préféré), j’ai été pensionnaire dans un lieu où l’on y fait des repas « tout morilles » ! Les sapins du Haut Doubs avaient pour moi les couleurs des plus beaux sapins de Noël de mon enfance et mes yeux s’illuminaient à la vue de chaque assiette ! L’une des premières d’entres-elles : un coquelet aux épices contenait une sauce digne du retour des Indes de Roellinger ! Le rêve absolu dans un menu à 19,00 € ! Et que dire de la carte des vins ? Je viens de lire dans une revue spécialisée un tour de France des belles cartes des vins à prix honnête et je n’y ai rien trouvé qui vaille la carte de Hugues Droz. Le meilleur exemple à mon sens est cette bouteille de Beaune Premier Cru Clos des Mouches blanc de Joseph Drouhin dans le millésime 1989. J’en aurais bien vidé la cave si je ne m’étais souvenu que les vins du Jura avaient inaugurés ma cave et que le goût sauvage du Savagin méritait aussi un pèlerinage gustatif, surtout avec les morilles. Tout cela sous l’œil complice du sommelier qui avait fait le tour du monde et qui était tout heureux de me montrer le livre des 1000 vins indispensables de Hugh Johnson qu’il connaissait presque par cœur. Avec Hugues Droz, j’ai envie de dire qu’il est aussi très agréable de penser que l’ailleurs n’est pas bien loin…
Martial Jacquey – Passionné de vin
Le 01 Septembre 2009