Un rêve de fou

un rêve de fou

"un rêve ..." - Illustration de Christine Pariente-Valette, Château Troplong-Mondot

Ceux qui sont habitués à mes billets d’humeur partagent (enfin je l’espère) une part de rêve.

Cela me fait penser à ce que me dit parfois mon père : je goûte les vins dont rêvait mon grand-père.

J’ai donc beaucoup de chance et je pense en être conscient.

Fort de cette introduction, j’ai décidé de vous livrer aujourd’hui un vrai rêve que j’ai fait récemment.

En fait ce rêve est en deux parties. Freud disait que cela devait être interprété comme un seul rêve.

Je ne sais pas quelle interprétation en faire mais puisque je vous le raconte, je vous mets à la place du psychanalyste.

Dans la première partie du rêve, j’étais invité à un mariage chez un ami vigneron à Meursault, mon ami me prêtait sa moto pour me rendre sur le lieu de la réception et j’arrivais donc avec ma femme et un enfant à moto. Je me vois même ranger la moto, un peu gêné tout de même, derrière l’orchestre.

La soirée n’était pas encore commencée et je vois mon ami déboucher de vieux millésimes de Bourgogne ainsi qu’un Riesling Clos Saint-Hune qu’il me demande de déguster. Je me sens jubiler à l’idée de déguster tous ces vins qui font rêver…

Dans la seconde partie du rêve, je dois organiser une dégustation de vins prestigieux et je veux demander son avis à Robert Parker, avec l’envie de savoir ce qu’il pense de ces vins, et de l’ordre dans lesquels les présenter. Je lui téléphone et je tombe sur sa femme. A mon écoute, elle me dit qu’elle veut offrir cette dégustation à son mari pour son anniversaire mais il se trouve qu’elle est déjà complète. Elle me propose alors d’aller la voir, à côté de Bordeaux je crois. Elle me reçoit très gentiment, me propose de déguster quelques vins, issus des dernières bouteilles ouvertes par son mari qui est absent. Je lui explique que son avis me serait précieux et elle me répond qu’avec lui, c’est toujours très compliqué. Me disant cela, elle me tend des notes de dégustations d’un domaine bourguignon que je ne connais pas avec des appellations modestes et des vins diversement appréciés. Je relève que je ne connais pas ce domaine et je trouve que l’écriture est très jolie. Curieusement, dans les vins qu’elle me propose de déguster, il y a aussi un Clos Saint-Hune. Il y a aussi un vin dont on me dit que c’est un Solaïa blanc et il se trouve que la propriétaire, une dame d’un certain âge, très élégante, est là dans le salon. Je dois noter qu’à ma connaissance, le Solaïa blanc n’existe pas. Je relève aussi, à ma surprise, que je ne vois pas de chien (je renvoie au film Mondovino où l’on voit Robert Parker toujours accompagné d’un chien).

Ce rêve me donne une impression très plaisante, l’idée d’être bien reçu dans un monde qui n’est pas tout à fait le mien et reconnu dans les dégustations que j’organise alors qu’il m’arrive parfois de me plaindre de ne pas y avoir assez de participants. Est-ce un rêve enfantin ou infantile d’une réalisation de désir simple comme celui d’une envie de fraise relaté par Freud ?

Ce rêve est-il plus profond, me renvoyant aux origines modestes de ma famille, à un désir d’ascension sociale non assouvi ? Il y a peut-être aussi là le retour d’une culpabilité que je pense relativement faible, de me satisfaire si souvent de réaliser le rêve de mon grand père, ou de rendre gloire au seigneur avec un peu trop de franchise mais pas assez de mots.

J’ai d’ailleurs fait ce rêve après avoir acheté quelques bouteilles dans des conditions un peu particulières, des bourgognes que j’aime particulièrement. Mes achats étaient surdéterminés comme aurait dit Freud. Ils étaient liés à de bons souvenirs dont certains, dans l’après coup, me renvoient à l’envers des choses, à l’illusion, à l’éphémère, au trouble. Je crois même pouvoir dire que ces achats étaient une sorte de tentative de consolider l’éphémère.

Je dédie ce billet à un ami que je qualifierai ici d’un autre monde ou d’une autre époque. Je le dédie aussi à une amie qui a aussi de quoi penser autour du solide et de l’éphémère.
Je vous souhaite un bon été…

Martial Jacquey – Passionné de vin
Le 23 juin 2011