Paradoxes

Après ma dernière chronique, je me suis dit que ça n’était pas si mal d’avoir des certitudes. Il faut se faire du bien de temps en temps. Tiens, cher lecteur, avec ta permission et si tu n’es pas contre le tutoiement, je vais prolonger un peu le plaisir. Voilà ce qu’a écrit dernièrement mon ami Christian Bleyer au sujet de la rentrée et des dégustations que j’organise depuis plus de 20 ans :
« Le Nez de Saint-Pierre signe de façon magistrale le début de la saison 2008-2009 par une dégustation de haut niveau avec les premiers crus de la côte de Nuits du millésime 2005. Ce millésime, dont on dit qu’il se referme à l’heure actuelle, a révélé un potentiel remarquable et a procuré aux amateurs éclairés du moment un plaisir intense. Certains vins ont été notés à 19 et 20/20 ; c’est dire le niveau de qualité des vins proposés. Dès les premières notes olfactives, j’ai pressenti la perfection du Morey les Chaffots de Hubert Lignier, et le Vougeot Clos de la Perrière du domaine Bertagna a comblé immédiatement mon palais ravi »

Rassure-toi cher lecteur, ça n’est pas que je veuille me la jouer, non, non ! D’ailleurs, j’ai demandé à Dieu de me préserver de la mégalomanie*. Mais, comme je te l’ai toujours dit, cher lecteur, tout a toujours son envers et si c’est réconfortant d’avoir des certitudes, ça n’est pas rassurant pour autant. Comme je suis parti, en toute modestie, pour me citer, je te renvoie, cher lecteur, à mon billet d’humeur de mai 2006 qui était une lettre ouverte aux candidats à la présidence de la république. Chacun, et en particulier l’amateur de vin, peut savoir ce qu’il en est. Je ne vais donc pas donner de détail car je ne tiens pas non plus à me retrouver au pain sec et à l’eau. Mais alors pour ceux qui espèrent en l’alternance, je peux leur dire tout de suite que c’est mal barré.

Tout le monde a remarqué qu’avec la rentrée, non seulement les enfants trinquent mais les parents s’apprêtent à boire. Je veux dire qu’en poussant le caddie dans les grandes surfaces, et c’est l’occasion pour que le père fasse les courses, il y a les fameuses foires aux vins. J’ai d’ailleurs observé que c’est l’occasion pour beaucoup de nos critiques gastronomiques et revues spécialisées de se transformer en VRP de nos temples de la consommation. Toutefois, ce qui peut définitivement casser le moral de ceux qui espèrent l’alternance, après la pluie, je l’ai trouvé dans un hebdomadaire plutôt pas mal fait malgré son guide desdites foires.

Accroche-toi, cher lecteur, car le coup va être très dur, c’est le choc de la photo d’un banquet sans doute républicain mais pas très catholique, une très mauvaise faute de goût : François Hollande, Bertrand Delanoë et quelques autres en train de trinquer au rouge, sans doute de Bordeaux, avec un plateau de fruits de mer rempli d’huîtres et de langoustines. Comme disait ma mère « avec ça on est bien monté » !

Le paradoxe, tu l’as compris, ami lecteur, dans un numéro spécial vin qui nous réconforte sur la place du vin dans notre société, pour ne pas dire dans notre culture, faire l’apologie de la grande distribution qui sera bientôt ouverte lors des journées du patrimoine et nous exposer une telle image…voilà bien de quoi rendre perplexes, non ?

On peut sans doute faire confiance à nos deux François pour avoir autrement arrosé leur victoire aux sénatoriales. Ils ont eu la bonne idée de réconcilier la ville et la campagne. J’ai eu cette pensée il y a quelques jours en visitant les vignes du Chapitre à Chenôve avec mon ami Sylvain Pataille, une future star de la Bourgogne qui va redonner ses lettres de noblesse aux vins de Dijon et de Chenôve, dans un quartier où il y a du travail à faire pour la mixité sociale et culturelle. J’ai envie de m’atteler à ce projet et qui sait, si ça marche…dans quatre ans…

* cf. mes remerciements à la fin du best seller que j’ai écrit en 2004 et qui s’intitulait « Qu’est-ce qu’un grand bourgogne rouge, à votre avis ? Mémoire d’un psych (oeno) logue. Il doit en rester quelques exemplaires à l’Athénaeum de Beaune sur la petite dizaine qu’ils m’ont fait l’honneur de m’acheter.

Martial Jacquey
Passionné de vin
Le 25 septembre 2008